Denis Brohier : “Ce qu’on recherche maintenant, c’est l’aptitude au saut et le look” (part 1)

Marion Vaillant 5 juin 2025

Denis Brohier, bientôt septuagénaire, incarne l’héritage de l’élevage manchois. Soixante ans plus tard, avec sa femme Sylvie, il poursuit le travail de sélection débuté par son grand-père à partir de deux souches maternelles, dont la star Dynamix de Belheme s’illustre sans interruption sur les plus grandes pistes du monde. Éleveur à 100 % depuis vingt-cinq ans, après avoir été un cavalier émérite comme son père, il partage son analyse sur quatre décennies d’évolution, de l’étalonnage à la commercialisation.

Denis Brohier : Après avoir travaillé aux côtés de son père Alfred et de son frère Georges, mon père Jean s’est installé à Sainte-Marie-du-Mont en 1962 sur la ferme où nous élevons avec Sylvie. C’était un grand cavalier de jeunes chevaux qui les menait jusqu’au niveau international, et un fin dresseur avec un vrai sens du cheval. Il aimait les chevaux près du sang, et c’est ce qui l’a amené à acheter deux juments, Ma Pomme (Furioso, Ps) et Il Pleut Bergère (Foudroyant II, Ps), qui sont à la base de notre élevage encore aujourd’hui. Après le bac, j’ai été aide familial à la ferme avant d’effectuer mon service militaire au CSEM de Fontainebleau. À mon retour, je me suis installé à mon compte. Nous étions alors en 1976 ! J’ai eu la chance que mon père me laisse beaucoup de liberté. Il n’avait que trois ou quatre juments à l’élevage, auxquelles s’ajoutaient des chevaux de propriétaires et quelques 3 ans achetés pour la valorisation dont je m’occupais. Nous n’avons pas eu d’affixe jusqu’en 1999-2000 avec l’année des “O” et l’arrivée d’Old Chap Tame (Carthago, Holst). Ce fut le premier grand changement dans notre façon de fonctionner. Quelques années auparavant, j’ai convaincu mon père d’arrêter les vaches à lait, que nous avons remplacées par des vaches allaitantes. Mon grand-père disait toujours : “Il faut quatre vaches pour un cheval, pas l’inverse.” Alors, même si ce n’est pas tout à fait le cas, nous conservons toujours des bovins pour permettre la rotation sur les pâtures.

D. B. : Le troisième changement majeur, c’est l’usage du transfert d’embryon. Nous avons débuté avec l’aide de la famille Levallois dans les années 2000, d’abord avec Parenthèse Tame, ISO 165 (Helios de la Cour). Nous avons actuellement environ vingt-cinq porteuses. Nous travaillons énormément sur l’amélioration génétique de la voie femelle depuis une décennie, et faire appel au transfert accélère le progrès, spécialement avec les jeunes juments. Les meilleures bénéficient de cette technique à 4, 5 et 6 ans. Nous essayons de nous limiter à dix-sept, dix-huit naissances annuelles afin de conserver un élevage à taille humaine conduit en extensif. Cela nous permet de rentrer presque tous les chevaux l’hiver, à l’exception d’une douzaine de juments installées sur une parcelle saine en bord de mer. Au total, nous exploitons 120 hectares sur lesquels grandissent une centaine d’équidés.

D. B. : Pour les juments, la locomotion et le coup de saut constituent des qualités primordiales. Nos chevaux ne franchissent jamais plus de 1 mètre-1,10 mètre à la maison car j’estime que ce n’est pas nécessaire de les faire sauter plus haut pour voir leurs qualités. Ensuite, à nous de détecter les bons sujets. Personnellement, j’aime demander l’avis de personnes extérieures. J’invite régulièrement d’autres professionnels à venir voir nos produits. Christian Hermon, Thomas Rousseau, Reynald Angot sont déjà venus les voir sauter. Depuis deux ans, Jean-Luc Dufour passe nous donner son opinion. Je trouve ça très intéressant d’écouter leurs commentaires car ils posent un œil neuf sur des chevaux que nous voyons tous les jours et auxquels nous sommes habitués.

A suivre…

Par Renaud Rahard