Les races royales : généalogie des chevaux de guerre

Lilou Pin 30 juin 2025

Chaque race d’équidé est plus qu’un standard ou un pedigree : c’est un récit. Une identité forgée par les usages, les guerres, les croisements et les paysages. Un cheval n’est pas seulement né d’un croisement : il est l’héritier d’une culture, parfois d’un empire.

Le Pur-sang Arabe, sans doute le plus ancien cheval de sang au monde est né dans les déserts de la péninsule arabique, élevé par les peuples bédouins pour la guerre, la traversée des sables et les raids éclairs. Le Pur-sang Arabe est façonné pour l’endurance, la vitesse et la maniabilité. Il est réputé pour sa proximité quasi-mystique avec l’humain, vivant sous la tente familiale et étant considéré comme un membre à part entière de cette dernière. Sa tête fine, son port de queue altier, sa résistance légendaire ne sont pas des caprices esthétiques : ils sont les marques d’un usage vital. Sa peau fine, par exemple, facilite la régulation thermique, indispensable sous les climats arides du Moyen-Orient. Ces qualités exceptionnelles ont conduit à son introduction dans les haras nationaux européens pour améliorer les races devenues trop lentes et trop lourdes. Il est devenu, au fil des siècles, le “sang noble” que l’on retrouve dans presque toutes les grandes races modernes. Sa beauté saisissante et son prestige en ont également fait un présent diplomatique de choix. Le Pur-sang Arabe s’illustre également dans l’Histoire européenne : l’un de ses représentants les plus célèbres est Marengo, le cheval emblématique de Napoléon Bonaparte, importé d’Égypte à la fin du XVIIIe siècle.

Cheval impérial par excellence, le Lipizzan est né sous le sceau de la grandeur. Sélectionné dès le XVIe siècle pour servir la cour des Habsbourg, il est élevé au haras de Lipica (signifiant petit tilleul), aujourd’hui situé en Slovénie. Issu de croisements entre chevaux andalous, napolitains et locaux, le Lipizzan évolue au fil des siècles. Il est formé à l’art du dressage académique et devient le symbole vivant de l’aristocratie européenne. C’est aussi la plus ancienne race européenne élevée de façon continue. Son histoire se divise en trois grandes périodes : l’établissement de la race dans les haras de l’empire (1580–1810), l’influence orientale et la différenciation entre types de chevaux lourds et légers avec les haras spécialisés de Kladrub pour les chevaux d’attelage et Lipica pour le dressage (1810–1920), puis la réorganisation moderne des élevages après 1920.  Cheval d’histoire et de tradition, le Lipizzan incarne l’élégance, la rigueur et la mémoire vivante d’une Europe impériale. « Lorsque vous touchez un Lipizzan, vous touchez l’histoire », résume joliment l’écrivain Frank Westerman.

Aujourd’hui, les races continuent d’évoluer : les standards s’affinent, les objectifs changent. Mais les racines restent là. Chaque cheval de race est un fragment d’histoire vivante, un ambassadeur de ce pour quoi il a été façonné.

Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle page d’Histoire des équidés.

Par Lilou Pin

Tableau de Antoine-Jean Baron Gros représentant Marengo