Le cheval de concours complet, genèse d’un athlète (Part 1/2)

Lilou Pin 3 juillet 2025

Rapide, chic, athlétique et fort ! Ce complétiste comme on en rêve, est-ce que ça se produit ou est-ce que ça se trouve ? Pour l’instant, élever volontairement un cheval de concours complet reste encore une activité rare.

Issue du croisement Untouchable M, KWPN et Hoggar Mail, Iliade de Kerser, championne des 6 ans 2024, sous la selle de Thomas Carlile, est l’archétype du cheval de concours complet. ©PSV

Regardons les chiffres : lors de la dernière Grande Semaine de concours complet, sur 334 engagés, on comptait 216 pères différents, dont 166 n’ayant qu’un seul produit. En comparaison, lors de la Grande Semaine de saut d’obstacles, les 785 partants étaient issus de seulement 264 pères différents : deux fois plus de partants pour un nombre de pères sensiblement identique. Comment s’explique cette diversité ? Élève-t-on véritablement pour le complet ?

Serge Cornut, ancien entraîneur adjoint chargé du dressage pour l’équipe de concours complet et juge Selle français, Thomas Carlile, cavalier professionnel et étalonnier spécialisé concours complet, et Danièle Doumergue, éleveuse de chevaux de concours complet depuis 1987, connue pour son affixe “de la Mouline” et faisant naître entre trois et six poulains par an, ont été interrogés sur le sujet. Dialogues croisés.

L’oeil affûté de Serge Cornut, tant sur le sport que sur l’élevage. ©Eric Knoll

“Aujourd’hui, en haut niveau, on recherche des chevaux à la fois danseurs, sauteurs et marathoniens.” Serge Cornut ouvre le bal et définit ainsi le cheval de complet moderne. Il doit pouvoir galoper fort et longtemps, notamment pour les formats longs, tout en ayant de la locomotion. Ce n’est pas Thomas Carlile qui le contredira, même si, pour le cavalier français, “il y a autant de chevaux de complet que de cavaliers, preuve en est la visite vétérinaire lors des Jeux olympiques cet été !”. “Athlétique” est selon lui le meilleur qualificatif. “Le cheval de complet doit être endurant, souple dans son corps et équilibré. À l’écoute sur le dressage, respectueux sur l’hippique et courageux sur le cross.” Un critère encore plus précieux pour la discipline est la volonté, l’envie de bien faire. “Cette envie est ce qui permet à tout cheval de pratiquer notre discipline dans les limites de son physique et de combler son cavalier, quel que soit le niveau pratiqué”, complète-t-il. L’éleveuse Danièle Doumergue, installée dans le Maine-et-Loire, tient le même discours : “On veut des produits qui ont des allures, qui sautent, qui sont des guerriers.”

“Dynamique, réactif et tonique” : c’est ainsi que Serge Cornut définit le look idéal de l’étalon recherché en CCE. Le cheval doit “être taillé dans le sang. Sans même le voir bouger, on doit se dire : ‘Celui-là, il pourrait faire du complet.’ Finalement, un cheval de complet, c’est un cheval très sport.” Danièle Doumergue (ci-dessous) évoque en plus le critère du caractère, “essentiel pour avoir un partenaire sur les trois tests”. Elle est rejointe par Thomas Carlile, pour qui “il faut faire attention au mental, à la générosité et au courage. Chez les chevaux étrangers, on vient chercher l’équilibre, le look, le chic et la souplesse”. “On veut des chevaux qui se poussent, qui se tiennent et qui avancent.”

Danièle Doumergue et Idylle de la Mouline ©Adèle Vaupré

Ainsi décrit par Serge Cornut, le cheval de complet parfait fait l’unanimité. Mais comment l’obtenir ? “Le CCE est un jeu de paradoxe, un équilibre à trouver entre les trois tests. Quand on améliore les qualités pour un test, souvent on les amoindrit pour un autre”, estime Thomas Carlile. Pour Serge Cornut, “tout part de la mère. L’élevage n’est pas une science exacte, mais quand on discute avec des éleveurs, on part des souches basses et l’étalon vient améliorer la base qu’est la mère”. Danièle Doumergue conçoit également ses croisements ainsi, partant du modèle de ses poulinières. “Il est intéressant de mettre l’étalon choisi sur deux juments différentes. C’est important de tester quand on produit pour du complet. On regarde l’individu et on ose faire des tests, on s’affranchit des effets de mode”, complète-t-elle. 

Quid de la diversité observée alors, puisque des critères objectifs semblent faire consensus ? Serge Cornut avance une esquisse de réponse. “La première chose que je demande quand on me dit qu’on est allé voir un cheval, c’est : ‘Est-ce qu’il bouge bien ?’ Finalement, on porte attention au cheval qu’on a devant nous, à ses qualités, notamment à celle du pas. Cela prime sur les origines.”

À suivre…

Par Astrid Saviez

Image mise en avant ©PSV