Artérite virale : le RESPE alerte
Le 7 novembre, le RESPE (Réseau d’Epidémio-Surveillance en Pathologie Equine) a alerté via ses réseaux sociaux sur un foyer d’artérite virale déclaré dans le Calvados. Le constat concerne le centre Equitechnic, situé à Notre Dame d’Estrées. Le point sur la situation avec son directeur, Marc Spalart.
En tant que centre de congélation, Equitechnic réalise systématiquement des prélèvements sur tous les étalons à leur arrivée, autrement dit un prélèvement métrite, une sérologie sur l’artérite virale et un test de Coggins pour l’anémie infectieuse. Puis il faut effectuer des répétitions et c’est à l’occasion d’une de ces répétitions effectuées le 7 octobre que le retour des résultats, dix jours plus tard, a mis en évidence la présence de 5 chevaux sérologiquement positifs sur 9. « Nous avons alors procédé le jour même à des prélèvements d’écouvillons nasopharyngés » décrit-t-il. Sur les 14 testés, 12 sont revenus négatifs, et 2 positifs. « Depuis le 17 octobre, nous avons arrêté tous les mouvements d’étalons et cessé de produire » explique-t-il. La faute très probablement à un cheval qui aurait été contaminé très peu de temps avant de leur être livré et n’ayant pas encore fabriqué d’anticorps, donc indétectable par sérologie à son arrivée dans le centre.
L’artérite virale, maladie contagieuse et peu dangereuse
Comme l’indique Marc Spalart, les signes cliniques sont sournois. « Beaucoup de gens ne la voient pas quand elle passe dans leurs effectifs » dit-il. « Il s’agit d’un virus respiratoire qui se transmet essentiellement par voie aérienne et provoque des œdèmes. Les symptômes peuvent être des membres engorgés, ou de la fièvre, ou de la toux et du jetage, et sur les mâles, parfois des testicules gonflés. Mais tous ces signes peuvent passer totalement inaperçus. Il n’existe pas vraiment de traitement, sauf pour soulager les engorgements et la fièvre. Ils disparaissent après quelques jours. » Durant cette période, le sujet excrète le virus par voie respiratoire, puis au bout de quelques jours, il le véhicule via son sang et le sperme pour les entiers. Sans réelle incidence sur les hongres et les juments non reproductrices, l’artérite virale présente surtout un risque élevé d’avortement des juments gestantes. « L’artérite virale n’est pas mortelle sauf sur des sujets âgés ou à la santé fragile » admet le Directeur d’Equitechnic. « La littérature scientifique dit qu’autour de 28-30 jours après la fin de la période où le cheval est contagieux, il est supposé s’être débarrassé du virus. Il arrive que l’appareil génital, composé de la prostate, des vésicules séminales et des testicules, n’élimine pas le virus et que l’excrétion du virus via le sperme se poursuive au-delà de cette période » indique Arnaud Evain, du Groupe France Elevage, dont plusieurs étalons figurent parmi ceux présents chez Equitechnic. « Il semblerait qu’il existe un lien entre un gène et le fait qu’un cheval parvienne ou non à se débarrasser du virus au bout de 6-8 mois. Nous sommes en train de tester cette hypothèse avec un laboratoire américain » précise Marc Spalart.
Castration chimique, le risque acceptable ?
« Le chevaux contaminés se négativent en 15-20 jours au niveau respiratoire puis dans le sang » dit-il. Autrement dit, la présence du virus devient indétectable dans leurs sécrétions nasales. « Première étape : le cheval se débarrasse du virus présent dans ses voies respiratoires et notamment son nez. Puis son organisme fabrique suffisamment d’anticorps pour nettoyer son sang. Malheureusement, dans certains cas, le virus va se loger dans les testicules d’où il est impossible de le déloger » admet-il. Dans ce cas, soit on espère que le cheval va progressivement se « blanchir » – c’est-à-dire se débarrasser tout seul du virus au fil du temps -, soit le propriétaire peut opter avec son vétérinaire pour la castration chimique. « L’idée est de réduire à zéro la production de spermatozoïdes. Les testicules passent de la taille d’une orange à celle d’une noix. Certains sujets arrivent à retrouver une spermatogénèse normale après 6, 12 ou 18 mois et à se négativer. Mais il est clair qu’une castration chimique peut se révéler définitive si le cheval ne relance pas sa spermatogénèse. » D’un autre côté, si rien n’est fait, l’étalon risque de rester excréteur et donc contagieux toute sa vie, mettant un terme à sa carrière au haras. « La castration chimique repose sur une injection permettant d’abaisser la testostérone, donc l’activité sexuelle, ce qui permet normalement d’empêcher le virus de se reproduire. La question qui reste en suspens est : le cheval va-t-il retrouver une spermatogénèse normale ? Là-dessus, les études avancent les chiffres de 60% à 80% » ajoute Arnaud Evain. Seul point positif : une fois contaminé, le sujet est protégé à vie des conséquences de la maladie.
Vacciner, la solution ?
« C’est une vraie catastrophe pour la filière » admet Marc Spalart. Seul espoir à terme : le vaccin pour les étalons reproducteurs dont il existe deux versions. L’une, qui contient des cellules vivantes du virus, est autorisée uniquement aux États-Unis. L’autre, disponible en Europe, s’appuie sur des cellules virales inactivées. Coût de l’opération : +/-335 € par injection. Dérisoire quand on sait les conséquences économiques énormes de la maladie. « J’ai tout de suite alerté tous les centres avec qui je travaille pour qu’ils fassent encore plus attention à l’entrée des étalons » ajoute-t-il. Du temps va être nécessaire pour que tout revienne à la normale. « Nous testons tous les éjaculats prélevés sur la période » explique Marc Spalart. « Les propriétaires des étalons toujours présents pourront récupérer leurs chevaux une fois qu’ils présenteront des virologies négatives dans le nez et le sang. Ils pourront reprendre le sport mais pas la reproduction. Pour reprendre la monte, ils devront être contrôlés tous les trois mois ou en fin de saison de concours afin de voir s’ils arrivent à se débarrasser de la maladie et ne plus être sexuellement excréteurs. Une fois que nous aurons vidé le haras, nous désinfecterons tout avant le retour des chevaux avec cette fois un test nasopharyngé obligatoire avant l’entrée dans le centre de production ».
- Pour plus d’informations scientifiques concernant l’artérite virale : https://be.anses.fr/sites/default/files/BEP-mg-BE49-art16.pdf