Championnat Anglo-arabe : la Domerguie, vingt-ans de passion pour la race…et Pompadour

Isabelle Joye 6 décembre 2025

Patrick Loudières et Kisten Blachetta élèvent des Anglos dans le Cantal depuis le début des années 2000. A l’occasion de la Grande Semaine de Pompadour, nous sommes allés à leur rencontre, quelques minutes après la victoire de Meskaly Domerguie dans les 3 ans.

Que ressentez-vous après ce succès de Meskaly ?

Nous sommes tellement heureux pour sa propriétaire qui a fait l’acquisition de cette pouliche à 18 mois et que nous avons accompagnée depuis. Sa propriétaire a fait l’énorme effort de la ramener à Pompadour depuis l’Alsace et la ténacité et le travail ont payé.

Pouvez-vous nous parler de votre stratégie d’élevage ?

Parler de stratégie serait ne pas s’inscrire dans la réalité de l’élevage, Il y a tellement de paramètres qui interviennent en génétique et dans la construction d’un cheval. Bien sûr on imagine toujours le cheval de nos rêves mais parfois l’écart est tellement grand entre le rêve et la réalité qu’il est important de laisser une place à l’imaginaire. Nous fonctionnons beaucoup au coup de cœur pour le choix des étalons et sur leur capacité de croisement bien sûr avec nos juments. Nous connaissons nos juments et nous savons aussi ce qu’elles peuvent produire. Nous tentons de ne pas trop nous laisser influencer par la ou les modes en essayant parfois de sortir un peu des sentiers battus. Nous pensons que les juges et les cavaliers ont besoin aussi de voir de la diversité et peuvent être curieux de certains choix opérés . Ainsi, après avoir vu Tom Carlile à Rodez lors d’un CCE quand Upsilon avait 4 ans, nous avons choisi de l’utiliser et nous étions parmi les premiers.

Comment choisissez-vous les étalons ?

Nous recherchons souvent des étalons qui vont apporter de la force et des allures à nos poulinières. Nous souhaitons préserver cette belle race qu’est l’anglo-arabe et nous cherchons dans nos croisements des apports qui permettent de maintenir le chic, l’énergie et la réactivité nécessaire aux bons chevaux de compétition. Nous essayons aussi d’utiliser des étalons connus pour leur bon caractère car depuis des années nous démontrons que les Anglos ne sont pas plus difficiles que les autres chevaux à la condition d’être bien éduqués.

Dans quel but élevez-vous ? Avez-vous une clientèle particulière ?

Nous nous adressons aussi à des cavaliers amateurs qui recherchent des chevaux pratiques, stables et bien dans leur tête. Nous n’avons pas la prétention de faire naître un futur champion du Monde, mais nous voulons surtout que les acheteurs (professionnels ou amateurs) soient satisfaits de leur choix et qu’ils deviennent à leur tour nos meilleurs ambassadeurs des Anglos. Nous souhaitons garder le contact avec nos propriétaires car ainsi nous avons régulièrement des nouvelles de nos petites et nos petits. Pour infos, certaines d’ailleurs sont revenues dans les vertes prairies de l’élevage après leurs carrières sportives, pour entamer leurs futures carrières de poulinières.

Vous êtes des inconditionnels de cette Grande Semaine de Pompadour. Qu’est-ce qui vous fait revenir chaque année ?

Nous sommes des fidèles pour plusieurs raisons. Nous considérons Pompadour comme un lieu emblématique de la race Anglo-arabe et le site de cette belle citée corrézienne se prête à merveille aux disciplines équestres et en particulier au CCE. Comme beaucoup d’éleveurs attachés aux Anglos, nous sommes un peu nostalgique des Haras Nationaux qui nous ont permis de côtoyer de magnifiques représentants de cette race qui transitaient entre les sites d’Aurillac, Rodez ou Pompadour.

Produisez-vous pour une discipline spécifique ?

Nous avons orienté notre élevage vers les chevaux de CCE car nous affectionnons tout particulièrement cette discipline qui demande beaucoup de rigueur, de travail et qui exige peut-être un peu plus de prendre vraiment soin de sa monture pour aller au bout des épreuves. Nous sommes aussi des cavaliers d’extérieurs et nous savons qu’il faut accorder beaucoup d’attention à son cheval pour parcourir de longues distances, nous retrouvons les mêmes exigences dans le Concours Complet. Par ailleurs, Pompadour n’est pas très éloignée de notre élevage et nous venons un peu en voisin pour nous confronter à nos amis corréziens.

Pourquoi Pompadour garde une place à part dans votre calendrier ?

Il y a toujours eu à Pompadour une ambiance conviviale favorisant les rencontres, les échanges avec les cavaliers professionnels aguerris, les marchands, les coachs, les entraîneurs, les collègues éleveurs, les journalistes. Ces échanges permettent aussi de sentir quelles vont être les évolutions du sport, quels seront potentiellement les futurs chevaux recherchés pour la discipline. Nous revenons aussi chaque année avec nos foals et nos trois ans car nous sommes convaincus que ce type de championnat permet de forger le mental des chevaux qui vont être confrontés à des expériences nouvelles (transport, boxe, présentation, remise de prix, sonorisation). Ainsi l’éleveur devient le repère du cheval dans ce monde un peu hostile et le lien homme/cheval va se renforcer pour servir de base à de futurs apprentissages. Nous avons pu aussi mesurer l’impact médiatique de notre présence à ce championnat pour de futurs contacts. En tant qu’éleveurs, pouvoir présenter des photos, vidéos, notations et classements d’un cheval participant à ce championnat offre des garanties indéniables à un acquéreur pour affirmer son choix. De même, que d’émotions, lors des épreuves de CCE et en particulier de cross, lorsqu’un « Domerguie» que nous avons fait naître est entrain de fouler ce magnifique terrain. Enfin, nous avons le plaisir de retrouver les ami.e.s éleveuses et éleveurs qui viennent eux aussi depuis des années, avec lesquels nous pouvons partager nos joies et nos peines autour d’un bon repas, nous permettant ainsi de relativiser et de relever la tête dans les moments difficiles de l’élevage.