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L’Expérience

Le dérèglement climatique, un enjeu de taille pour la filière équine – Partie 1

Emilie Dupont et Sylvia Flahaut 29 novembre 2023

C’est un sujet plus que jamais d’actualité. Le dérèglement climatique est aujourd’hui l’un des enjeux principaux de nos sociétés et aura sans nul doute des conséquences sur chacune de nos activités. Y compris celles de la filière équine.

Des étés de plus en plus chauds, lors desquels il est parfois difficile de travailler et préserver ses chevaux, des pâtures de moins en moins riches en herbe, des stocks de foin et de paille de plus en plus difficiles à constituer, des récoltes de fourrages réalisées de plus en plus tôt, des céréales de plus en plus chères… Chaque année, les problématiques des cavaliers, éleveurs et propriétaires de chevaux sont les mêmes et nombre d’entre elles sont dûes à un facteur commun : le dérèglement climatique. S’il est indéniablement un sujet plus que jamais d’actualité, il est avant tout la problématique majeure de notre siècle. Depuis 1850, ses conséquences sont visibles et ne cessent de s’aggraver. Hausse des températures, perturbations des cycles de l’eau entraînant des sécheresses et inondations inhabituelles, nombre croissants d’événements extrêmes tels que les vagues et records de chaleur, les feux de forêts… Les signes sont aussi graves qu’alarmants. Et lorsqu’il s’agit de les expliquer, la réponse est simple. « L’origine du dérèglement climatique est humaine, et cela a été prouvé », affirme Agata Rzekęć, ingénieure agronome, cheffe de projet en lien avec l’environnement et le développement durable de la filière équine à l’IFCE, au micro de Laurent Vignaud dans le podcast “Parlons cheval” de l’IFCE. Les conséquences sont, quant à elles, aussi bien environnementales qu’économiques, sociales ou encore politiques. Aucun domaine n’y échappe, toutes les branches de la société y sont confrontées, y compris la filière équine, qui doit elle aussi agir pour ne plus que la situation empire.

De nombreuses conséquences sur les ressources primaires…

« La filière équine est déjà et sera touchée par le dérèglement climatique, mais elle peut répondre à certains enjeux », assure Agata Rzekęć. Parmi les problématiques auxquelles devront faire face les propriétaires et éleveurs dans les années à venir, celle de l’alimentation de leurs chevaux. « On peut s’attendre à un dérèglement des rendements agricoles et des dates de récolte des fourrages. Quant aux céréales, compte tenu du contexte géopolitique et climatique, des problèmes de stockage ou d’acheminement, et donc à une hausse des prix, sont certainement à prévoir », indique l’ingénieure agronome. Même chose concernant la mise à l’herbe des chevaux. « On peut s’attendre à devoir les y mettre ou faucher de plus en plus tôt dans l’année, mais également à ne plus avoir d’herbe du tout pendant l’été, ainsi qu’une repousse à l’automne moins importante. Il va donc falloir constituer des stocks pour l’été et l’hiver. » 

Ce constat d’une herbe bien moins abondante, Henry Brugier, à la tête de l’élevage d’Adriers, l’a également fait. Ce dernier s’est installé au nord de la Haute-Vienne en 1978 et a vu, année après année, des changements intervenir sur sa parcelle. « Les premières années, entre les mois de novembre et d’avril, il m’était impossible d’accéder à pied à l’ensemble de mes parcelles tant elles étaient gorgées d’eau », détaille l’éleveur. « Le sol n’était pas porteur… Et puis, après les années 2010/2012, qui a été selon moi une période assez charnière, j’ai commencé à pouvoir accéder à toutes mes parcelles toute l’année. Cela montre bien qu’on avait moins d’eau en période hivernale. » Henry Brugier assure d’ailleurs qu’il pouvait laisser ses chevaux en permanence dehors à partir de ce moment, à condition, bien sûr, de les complémenter. Car il a également vu l’herbe devenir peu à peu moins abondante sur son exploitation… « Je terminais généralement de faire les foins début juillet. Et, à partir de cette période, je devais en donner à mes chevaux qui étaient dehors depuis fin mars, car l’herbe n’était plus assez abondante pour leur suffire… Début juillet, c’est très tôt pour voir l’herbe manquer ! » Henry Brugier indique également que cette herbe, que les chevaux mangent désormais plus rase, peut entraîner des problèmes d’ordre sanitaire. « Les parasites et les larves se situent, en effet, dans le sol, et les chevaux peuvent ainsi les attraper en mangeant à ras de la terre. » Depuis, suite à ces observations et également pour réduire son activité, Henry Brugier a fait le choix de déménager et de s’installer plus au nord, au coeur de la Normandie. 

Si les ressources alimentaires vont ainsi devenir un enjeu de plus en plus important, il en sera de même pour l’eau, dont l’utilisation devrait devenir de plus en plus encadrée afin de la préserver. « Les ressources en eau vont être un enjeu majeur dans les années à venir, notamment pour son utilisation en dehors de l’agriculture. Cela aura des conséquences sur l’arrosage des carrières, les douches des chevaux, l’utilisation de brumisateur, etc. C’est toute la consommation d’eau qui va devoir être repensée », explique Agata Rzekęć.

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Crédit photo à la une: Pixabay