Nom de cheval : l’élevage à la lettre près

Lilou Pin 16 juin 2025

Derrière un nom, il y a un éleveur, une origine, une histoire et souvent, une lettre.

La tradition d’attribuer une lettre annuelle aux noms des chevaux de race en France remonte au XIXe siècle. Elle a été instaurée pour faciliter l’identification et la traçabilité des équidés, en permettant de déterminer leur année de naissance à partir de la première lettre de leur nom. Par exemple, un cheval né en 2025 portera un nom commençant par la lettre P. Certaines lettres sont exclues pour des raisons pratiques, l’alphabet ne va donc pas jusqu’à Z, mais s’arrête à V, avant de repartir au début. Cette règle est aujourd’hui encadrée par des textes réglementaires, notamment l’arrêté du 30 avril 2002 relatif à l’identification et à la certification des origines des équidés.

Mais cette contrainte administrative est devenue, au fil du temps, un véritable terrain d’expression pour les éleveurs. Certains choisissent des noms rendant hommage aux lignées familiales, ou racontant une histoire à travers les générations. Un cheval nommé Plaisir d’Amour peut avoir un descendant nommé San Amour, suivi de ParAmour, tissant ainsi une lignée poétique à travers les noms.

À cela s’ajoute la question des affixes : ces suffixes déposés par les éleveurs auprès de l’IFCE permettent d’identifier une origine, un élevage, un lieu-dit ou un hommage à un ancêtre marquant. d’Elle, de Kreisker, de Treho, du Thot… autant de marques de fabrique qui racontent, elles aussi, une histoire. L’affixe de Treho, par exemple, renvoie à un lieu-dit breton d’où est issue la championne Quorida de Treho. L’affixe n’est pas qu’un ajout administratif : c’est une signature, souvent transmise et défendue avec fierté, un ancrage territorial aussi fort que symbolique.

Les éleveurs manient l’alphabet comme des poètes : jeux de mots, clins d’oeil, subtils messages. Hussard du Landret, Eau les mains, ou encore Habemus Papam, chaque nom porte en lui une part de la personnalité et de l’histoire de celui qui l’a choisi.

Parmi ces noms choisis avec soin, celui de Lillusionniste Farani mérite une mention. Sa mère ne montrant aucun signe de mise bas, l’éleveuse fut surprise de découvrir le poulain au matin, né en toute discrétion dans le pré, et c’est ainsi qu’il reçut le nom de Lillusionniste, en hommage à cette naissance imprévue.

Mais au-delà de la fantaisie, nommer un cheval, c’est lui donner une identité. Le nom le suivra toute sa vie : il figure sur ses papiers, résonne dans les carrières, devient parfois célèbre, voire mythique. Baloubet du Rouet, Jappeloup, Totilas… Certains noms suffisent à faire surgir une silhouette, une époque, une légende.

C’est peut-être là que réside la vraie force du nom : dans ce fil invisible qu’il tisse entre passé, présent et avenir. Dans ce mot unique qui, d’un simple appel dans un pré ou d’une annonce au micro, dit tout ce que l’éleveur a rêvé pour lui.

Par Lilou Pin

Pour aller plus loin :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000592068